PROJET D’INSTITUTION D’UNE VICE- PRÉSIDENCE : Un dauphinat qui ne dit pas son nom

Publié le par guissguiss

Le Conseil des ministres du 30 avril dernier a examiné et adopté un projet de loi constitutionnelle instituant un vice-président de la République. Si le Congrès avalise l’initiative présidentielle, après l’établissement d’une seconde chambre au Parlement, le Sénat, la suppression du Conseil de la République, l’architecture institutionnelle sénégalaise connaîtra à nouveau un changement « non considérable ». Avec déjà un Premier ministre qui ne tire sa légitimité que du chef de l’Etat, va-t-on encore établir un « doublon parfaitement imparfait » du chef de l’Exécutif ? Un dauphinat qui ne dit pas son nom ?

Le président de la République entend-il ainsi qu’il l’a suggéré sans développer outre mesures dans son adresse à la nation du 3 avril dernier, faire faire un nouveau bond « qualitatif ? » à nos institutions en initiant une vice-présidence ?

Alourdit-il plutôt avec son projet l’architecture institutionnelle déjà suffisamment et même vainement lestée aux yeux de franges importantes de l’opinion, avec un Parlement bicaméral dont la deuxième Chambre est plus nommée qu’élue ? Tente-il de saborder la volonté populaire clairement exprimée le 22 mars dernier de s’opposer à toute dévolution monarchique du pouvoir ? A-t-il simplement trouvé le modèle gabonais et dans deux ou trois autres pays africains, opératoire ?

Toujours est-il que le Conseil des ministres du 30 avril dernier, le dernier qui a vu la présence du désormais ex-Premier ministre, l’inspecteur du Trésor, Cheikh Aguibou Soumaré, a examiné et adopté certains textes législatifs et réglementaires. Parmi lesquels et curieusement en dernière position comme si l’on cherchait furtivement à lui faire franchir la porte, « un projet de loi constitutionnelle instituant un vice-président de la République »… Un acte qui reçoit ainsi la caution du « gentiment déchargé et remercié » le même jour au profit de Me Souleymane Ndéné Ndiaye, devenu le 6e Premier ministre post-alternance 2000. La dernière caution assurément.

Sans préjuger du contenu du texte de l’Exécutif dont ils n’ont pas encore la teneur, plusieurs juristes interrogés, s’inquiètent néanmoins de « cette volonté de bouleverser les institutions de la République sans pour autant s’en référer au peuple par voie référendaire et pour des objectifs qui ne sont pas clairement perçus par le grand nombre ». Ils s’émeuvent du fait que l’on tente encore une fois avec la création du poste de Vice président dont le locataire sera nommé à opérer « une greffe dans le régime politique en instituant à nouveau un doublon parfaitement imparfait ».

Selon eux, « déjà que le Premier ministre au Sénégal n’a aucune légitimité politique, ne tirant sa légitimité fonctionnelle que de la seule volonté du président de la République, élu lui, au suffrage universel, est un doublon imparfait du chef de l’Exécutif constitutionnellement reconnu, le Vice ou la Vice présidente ne sera dans ces conditions qu’un autre doublon imparfait sans aucune légitimité ».

Pour Ismaïla Madior Fall, Pr. De Droit Constitutionnel à l’Université Cheikh Anta Diop, « il n’y a que deux systèmes où l’on note la vice-présidence, l’un orthodoxe : c’est le cas du système des Etats-Unis ou le vice-président est le premier sur la ligne de la succession. Il succède au président de la République en cas de décès, démission, incapacité ou impeachment de ce dernier, autrement il lit les journaux ou se tourne les pouces. Il est élu néanmoins en même temps que le président par le même collège électoral de grands électeurs.

C’est le cas également dans certains pays anglophones d’Afrique et dans certains pays en Amérique latine ». Il faut noter cependant, souligne le Pr. Fall, « que Bill Clinton et son vice président Al Gore étendront le rôle du vice-président, Gore s’impliquant au Conseil national de sécurité et possédant de nombreuses prérogatives dans les domaines économiques et des affaires étrangères et de l’environnement ».

L’autre système, hétérodoxe lui, indique-t-il, est « celui où le vice-président est simplement nommé par la seule volonté du président de la République, donc révocable à tout moment. L’exemple type à ce niveau est le Gabon ». Pour l’universitaire, on trouve d’autres exemples en Afrique notamment du modèle gabonais.

Selon lui, feu le président ivoirien, Houphouët-Boigny avait de son vivant institué une vice-présidence pour le remplacer en cas de vacance avant de supprimer le poste et la fonction au profit de la présidence de l’Assemblée nationale. Tout comme l’actuel président gabonais Omar Bongo Odimba qui a fait l’affaire aux yeux de Jacques Focard a remplacé Léon Mba, le père du Gabon libre, dont il a été le directeur de cabinet puis le vice-président avant de lui succéder en 1967. Le projet d’institutionnaliser la vice-présidence au Sénégal procéderait-il du même dessein ?

En installant une vice-présidence que l’on veut confier à une femme, on cherche encore une fois « à tromper le peuple et à dévoyer sa détermination de rester en République ».

Cela d’autant plus que le nom de personne avancée pour occuper le poste, en l’occurrence l’ancienne ministre de la Femme Awa Ndiaye qui ne cache nullement son appartenance à la Génération du Concret le mouvement du ministre d’Etat, Karim Wade, conforte, pour plusieurs observateurs, ce désir de se faire succéder par le fils.

Publié dans Politique

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